Ivan Rioufol relaxé

Islamophobie : ma défense devant la Justice


 Ivan Rioufol   | 336 Commentaires

Poursuivi par le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) pour des propos tenus en 2012 sur RTL, j’étais vendredi dernier sur le banc des prévenus de la XVIIe chambre du tribunal correctionnel de Paris. Je ne vais pas revenir sur l’affaire, expliquée ici le 10 juin 2013, le 14 juillet 2013 et le 30 septembre 2013. Pour résumer, le CCIF me poursuivait pour avoir notamment déclaré, le 15 novembre 2012 dans l’émission On refait le Monde, au sujet d’une campagne d’affichage du collectif intitulée : "Nous sommes la nation" et représentant le détournement du Serment du Jeu de Paume : "Ce collectif est en train de démontrer ce qu’on reproche précisément à cet islam radical, c’est-à-dire de refuser de s’intégrer et de s’approprier la nation. Il refuse de s’intégrer dans la mesure où il représente des femmes qui affichent leur religiosité, si je puis dire, et naturellement il s’approprie la nation  à travers ce slogan qui est en train de dire : La France, c’est nous ; et ça donne argument à tous ceux qui disent qu’il y a effectivement une sorte de grand remplacement, de substitution de population et qu’il y a une sorte d’offensive islamiste, et on en voit l’illustration dans cette campagne >. A l’issue de trois heures et demi de débats, le procureur de la République a requis la relaxe, en estimant que mes critiques relevaient de la libre opinion et n’étaient pas diffamatoires. La relaxe a aussi été requise pour Marc-Olivier Fogiel, animateur du débat, qui n’était pas présent à l’audience. Mis en délibéré, le jugement sera rendu le 29 octobre.La veille, le site islamiste Al Kanz  avait relayé sur l’Internet un texte du CCIF invitant ses soutiens à venir à l’audience. Il y était écrit : "Vous pouvez venir accompagné d’une personne. Nous allons aussi solliciter les médias pour que cette affaire ne soit pas étouffée. Nul besoin de vous rappeler que nous devons donner l’image d’un groupe soudé et discipliné, en fait rien d’autre que la réalité (…) Nous comptons vraiment sur vous, vous serez encore sollicités dans le futur, mais quel combat peut gagner à temps partiel ?". Dans ce texte, les deux accusés étaient présentés ainsi : "Les faiseurs d’opinion et polémistes ne sont pas des journalistes mais des personnes payées pour faire de l’audience, peu importe la tenue de leurs propos (…)". Dans la salle, derrière moi, j’ai pu comptabiliser une vingtaine de femmes voilées et des barbus, silencieux.

A l’invitation de la présidente, j’ai pu dire devant le tribunal, avant que mon avocatMe Jean Ennochi ne prenne la parole, ce qui me tenait à cœur. Après avoir rappelé qu’en quarante ans de carrière, dont vingt ans comme éditorialiste, c’était la première fois que j’avais à répondre d’une opinion devant la justice, j’ai dénoncél’atteinte à la liberté d’expression que représentait, à mes yeux, la plainte abusive du CCIF et sa tentative de judiciarisation du débat sur l’islam. D’autant que ce collectif, sollicité par RTL ce soir-là du 15 novembre pour intervenir en direct dans la controverse, était revenu sur son accord à la dernière minute. J’ai fait valoir l’insécurité, physique et judiciaire, dans laquelle vivaient aujourd’hui les journalistes qui traitent de l’islam, en regard des pressions, des intimidations, des menaces dont ils peuvent être l’objet par des groupes radicaux. J’ai rappelé quel’accusation en islamophobie, qui dénonce indifféremment le raciste qui rejette le musulman pour ce qu’il est et celui qui, comme moi, dénonce l’islam politique et totalitaire, était vide de sens et empêchait de désigner le djihadisme et la judéophobie. J’ai cité les propos de Manuel Valls, qui, ministre de l’Intérieur,  avait admis que ce concept était "utilisé à des fins politiques par des adversaires de la démocratie et de la République". Plus gravement, j’ai soutenu devant la présidente du tribunal que cette accusation en islamophobie, abondamment reprise par les réseaux sociaux s’agissant de ma personne, pouvait être comprise par un esprit faible ou exalté comme un permis de tuer. J’ai rappelé que les journalistes deCharlie Hebdo avaient été assassinés au prétexte qu’ils avaient été jugés "islamophobes". Dans une plaidoirie outrancière et sinueuse, l’avocat du CCIF, Me Henri Braun, a assuré : "On n’est pas des censeurs (…) On est prêts à se battre pour que cette liberté d’expression subsiste  car elle est menacée (…) Tout dans notre action est pour défendre la laïcité". "Le voile, c’est républicain", a-t-il aussi assuré, avant de longuement décortiquer et critiquer mes propos et de déclarer, au sujet de mon confrère : "Il ne faut pas laisser s’exprimer dans les médias M. Fogiel". Bref, la liberté d’expression, mais pas trop…

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NB: La XVIIe chambre du Tribunal correctionnel de Paris a débouté, jeudi,le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) de l'action en diffamation qu'il avait engagée contre votre serviteur pour des propos tenus sur RTL, en m'accordant la relaxe, au nom de la liberté d'expression.

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