Hommage à Simone Veil
Simone Veil est accusée d’avoir promu sa loi pour en tirer
gloriole. Elle est accusée de ne pas avoir parlé de l’évolution de la
législation sur l’avortement depuis sa loi, pour la même raison.
Cette accusation est d’une injustice insupportable.
Simone Veil n’a pas « légalisé l’avortement »,
elle a aboli – partiellement - la pénalisation des femmes et des médecins qui
les assistent, ce qui n’est pas la même chose.
Simone Veil a été placé par Valérie Giscard d’Estaing comme
par tous les partisans de l’avortement qui ne voulaient pas se salir les mains,
devant « le choix de Sophie », devant un choix entre deux morts ou
plutôt entre plus ou moins de morts.
Les femmes avortent de toute façon, même quand elles savent
qu’elles risquent la mort en le faisant.
Pour le législateur qui doit statuer
précisément sur la question de l’avortement, le choix n’est pas entre sauver
les enfants et ne pas les sauver. Le choix est entre UN mort – l’enfant - ou
DEUX morts – l’enfant et la mère qui meurt d’infection ou d’hémorragie.
UN mort ou DEUX morts et des orphelins de mères. Tel est le
choix.
Simone Veil était devant ce choix. Bien d’autres étaient à l’époque
devant ce choix mais les autres s’en moquaient, se défilaient. Se défiler pour ne pas être celui qui accepte
UN mort, c’est faire DEUX morts.
Dans les camps, Simone Veil avait repoussé ceux qui lors d’une
marche des déportés, ne pouvant plus marcher seuls, s’accrochaient à sa mère,
en leur disant : « Vous ne l’entrainerez pas dans la mort ».
Ces
déportés qui s’accrochaient à sa mère allaient mourir de toute façon, mais ils
allaient faire une morte de plus. Elle a dit non, elle a accéléré leur mort
inéluctable. A 16 ans.
La législation qui pénalisait les femmes et les médecins,
faisait des enfants morts, ceux qui allaient entrainer leur mère dans la mort.
Simone Veil a aboli cette loi.
A l’évidence, ceux
qui l’ont choisi comme Ministre pour traiter ce dossier savaient qu’elle ne
pourrait pas supporter d’être celle qui laisse mourir DEUX personnes quand UNE
seule était condamnée.
A l’évidence pour moi, son passé de déporté a été utilisé
pour la forcer à être celle qui allait prendre la décision.
A mon avis, cyniquement.
Et ce choix s’est continué et a pesé sur elle toute sa vie,
car la critique de l’évolution de la loi pouvait et peut ramener à la situation
antérieure, c’est-à-dire à de plus nombreuses morts et des morts des plus
cruelles.
Si Christine Boutin dit vrai, sur les regrets qu’avait
Simone Veil de l’évolution de la législation contre son esprit initial, il me
parait évident que Simone Veil a du souffrir de ce silence qui lui était
imposé, à cause du risque de retour à la situation de la mort des femmes
avortant.
Le signe qu’elle a pensé pouvoir donner, avec son mari
Antoine Veil, de son souci des enfants, a été de manifester à la Manif pour
tous, avec le drapeau montrant deux enfants avec leurs deux parents, en janvier
2013.
Le signe qu’elle a pensé pouvoir donner, sur sa vision de l’avortement
comme un drame, a été de se laisser photographier en compagnie de Christine
Boutin.
Ne pas laisser mourir affreusement les femmes pauvres, en
revenant sur la dépénalisation, ou risquer de laisser se banaliser l’avortement :
le dilemme dont elle a parlé lors de son discours à l’assemblée pour présenter
sa loi n’a jamais pu être résolu.
Soit on « délégalise » l’avortement en réprimant
les femmes, soit on « légalise ». Du moins, jusqu’à présent l’alternative
pensable a été celle-là. Je pense pour ma
part qu’il pourrait exister d’autres réponses, d’autres solutions législatives.
Mais face à ce choix là, Simone Veil ne
pouvait que tenir bon pour éviter le retour à la répression pénale des femmes.
Dans son livre : « Et tu n’es pas revenu »,
Marceline Ivens, née Rosenberg, déportée à 16 ans, qui avait rencontré Simone Veil
et sa mère dans les camps, raconte que Simone Veil a continué, toute sa vie,
comme dans les camps, à « voler » les petites cuillers, (cuillers que
l’on ne donnait pas aux déportés pour manger la soupe).
Les déportés ne sont jamais sortis des camps.
Placer une ancienne déportée devant le « choix de
Sophie » était particulièrement lâche et répugnant. C’est ce qui a été
fait à Simone Veil. Toute sa vie.
Et toute sa vie, elle s’est laissée insulter,
traiter de carriériste avide d’honneur, parce que le choix restait toujours le
même : sauver la vie des femmes qui avortent de toute façon.
"Les femmes avortent de toute façon, même quand elles savent qu’elles risquent la mort en le faisant."
RépondreSupprimerTOUTES les femmes?
Ou juste une minorité de celles qui avortent maintenant?
Je dirais, le deuxième.
C'est quand je vois ou entend des Russes soutenir la dépénalisation de l'avortement que je me dis qu'il y a qqc qui est pas vraiment du Christ dans l'Église Orthodoxe Russe (patriachat de Moscou).