Vincent Lambert a eu un accident il y a dix ans
il arrive cependant à avaler la nourriture qui lui est donnée
il a été privé de nourriture pendant des semaines et a survécu
il ne se laisse pas mourir
il ne souffre pas
il bouge un peu, se tourne vers les gens qui viennent le voir,
il ne parle pas
ses proches n ont pas le droit de le faire sortir prendre l air, de le faire vivre dans un service médical favorable à l'aide aux personnes dans son état,
sa mère a dit qu il était dans une chambre trop chauffée alors qu il n'aime pas la chaleur
veut il de cette vie ?
non selon certains de ses proches, oui selon d'autres
les soins qui lui sont donnés sont le laver, lui donner eau et nourriture qu il avale seul sans appareillage
faut il le tuer en l en privant - eventuellement sous anesthésie - ou en l empoisonnant ?
je ne voudrais pas être la personne qui déciderait de ces actes
Vincent Lambert a peu être une conscience réduite à la vie instantanée, aux sensations de bien ètre ou de soif et faim, mais il la vit paisiblement, pourquoi l'en priver, pourquoi avancer sa mort, au nom d une image de la vie, ... tout en affirmant qu il n est plus capable de souffrir de cette mauvaise image de la vie faute de conscience ?
la fidélité de certains de ses proches à ce que Vincent Lambert fut selon leurs souvenirs s'oppose au constat de ce qu il est aujourd'hui concrètement : un être humain vivant qui n'est pas inerte, ne se laisse pas mourir, ne cherche pas l'agonie
Appel de 70 médecins paru dans le Figaro avril 2018
Alors que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne doit
rendre une décision ce jeudi, 70
professionnels de santé de diverses spécialités publient
une tribune dans Le Figaro pour
dénoncer une «euthanasie qui ne dit pas son nom». Ils demandent
que Vincent Lambert soit transféré dans une unité spécialisée.
Nous, médecins et professionnels spécialisés dans la prise en
charge de personnes cérébro-lésées en état végétatif ou pauci-relationnel (EVC-EPR),
tenons à exprimer, en notre âme et conscience, notre incompréhension et notre
extrême inquiétude au sujet de la décision d'arrêt de nutrition et hydratation
artificielles concernant M.
Vincent Lambert. Un tissu d'incertitudes et d'hypothèses, ainsi
que des jugements contradictoires concernant le niveau de conscience, les
capacités de relation et de déglutition, le pronostic, fondent une sanction
dramatique, incompréhensible. Certains d'entre nous ont une expérience de
trente à quarante ans de soins et de réflexion autour de ces personnes. La
circulaire du 3 mai 2002, qui a marqué une étape essentielle pour
l'organisation et la qualité de la prise en charge des personnes EVC-EPR,
constitue une référence toujours d'actualité.
La plupart d'entre nous ne connaissent pas personnellement M.
Vincent Lambert, sinon par ce qui est dit de lui dans les médias, de façon
partisane, quant à l'application à son égard de la loi relative aux droits des
patients et à la fin de vie.
Certains d'entre nous ont pu visionner une courte vidéo, de
séquences tournées en juin 2015, permettant d'affirmer que M. Vincent Lambert
est bien en état pauci-relationnel, à savoir qu'il n'est pas dans le coma, ne
requiert aucune mesure de réanimation et qu'il a des capacités de déglutition
et de vocalisation. S'il nous est impossible de nous prononcer sur son niveau
exact de conscience et ses capacités relationnelles, en revanche M. Vincent
Lambert nous apparaît semblable aux patients relevant de nos unités EVC-EPR, de
ceux qui n'ont même pas de trachéotomie. Il est manifeste qu'il n'est pas en
fin de vie.
Sa survie dans les conditions et le contexte qui l'entourent -
déchirement familial, procédures juridiques interminables, déchaînement
médiatique, absence de projet de vie avec abandon de toute rééducation ou
sortie ou mise au fauteuil, isolement sensoriel et relationnel dans sa chambre
où il est enfermé à clé depuis quatre ans… - témoigne même, à nos yeux, de sa
pulsion tenace de vie.
Comment ne pas tenir compte du fait que M. Lambert a survécu en
2013 à trente et un jours sans alimentation avec une hydratation réduite au
minimum, alors que, dans notre expérience unanime, ce fait est incompatible
avec une volonté de mourir? Quand ils ne veulent plus vivre, ces patients
meurent en quelques jours, voire quelques heures. Cette survie pendant trente
et un jours témoigne au contraire d'une incontestable pulsion de vie qui aurait
dû fonder depuis cinq ans une nouvelle prise en charge autour d'un projet de
vie et qui ne se réduise pas à des soins de nursing.
Les expertises médicales, même pratiquées par d'éminents
spécialistes, reposent toujours sur des examens pratiqués sur un temps
forcément limité. Elles ne sont pas adaptées à la situation de ces patients
dont il faut gagner la confiance avant de pouvoir obtenir une quelconque
manifestation de présence consciente. Cette évaluation ne peut être validée que
par une équipe pluridisciplinaire, dans des conditions de vie variées, sur un
temps suffisamment long de plusieurs semaines, en lien avec les membres
présents de la famille. Cela est impossible dans un contexte d'enfermement sans
projet de vie.
Or notre expérience croisée de praticiens spécialistes de ces
patients nous amène à constater que l'état dit végétatif chronique, au sens
d'un patient qui ne serait capable d'aucune relation, n'existe pas: tous les
patients diagnostiqués végétatifs qui sont passés dans nos services ont en
réalité une conscience minimale qu'il faut savoir détecter et exploiter en lien
étroit avec la famille. Pris en charge en unité ou maison spécialisée, ces
patients font souvent des progrès étonnants qui surprennent toujours les
soignants, et tous se sont révélés être capables de relations interpersonnelles
avec leur entourage, plus ou moins élaborées, mais toujours existantes et
vérifiées.
Nous nous interrogeons sur les circonstances qui ont pu conduire à
affirmer que M. Vincent Lambert avait pu manifester, fin 2012, une volonté
certaine et irrévocable de mourir, point de départ de la réflexion et des
procédures collégiales engagées par l'équipe l'ayant en charge. Notre
expérience nous fait nous interroger sur le fait qu'une même équipe soignante
assure des soins à la fois à des patients en fin de vie et à des patients
cérébro-lésés: il y a là deux logiques antinomiques qui ne peuvent cohabiter.
Sur ces bases:
1. - Nous dénonçons les conditions de vie imposées à M. Vincent
Lambert: alitement permanent, absence de mise en fauteuil adapté, absence de
sortie, enfermement à clé dans sa chambre, absence de prise en charge
rééducative d'entretien, absence de rééducation de la déglutition, limitation
des visites, toutes mesures s'opposant au maintien d'une vie sociale et
affective, primordiale pour ces personnes. Ces conditions, aussi
incompréhensibles qu'inadmissibles, s'apparentent à une incarcération
prolongée, indigne de son état, de sa personne, de ses proches. Elles nous
apparaissent contraires à toute éthique et déontologie médicales.
2. - Nous n'arrivons pas à comprendre qu'à aucun moment de cette
terrible histoire l'avis d'une équipe expérimentée n'ait été sollicité devant
une décision aussi grave. Grave car n'ayant pas d'autre finalité que de
provoquer la mort d'un homme qui n'est pas en fin de vie et dont l'état de
handicap paraît stabilisé, même sous couvert d'une procédure collégiale. Ni l'équipe
médicale en charge de M. Vincent Lambert, au début de cette situation, ni
quelque instance de Justice que ce soit, pour aussi nombreuses qu'elles aient
été sollicitées, n'ont fait une telle proposition pourtant de bon sens et
usuelle entre collègues.
3. - Nous formulons le vœu que M. Vincent Lambert, qui n'est pas
en fin de vie, bénéficie d'une prise en charge conforme à l'esprit de la
circulaire du 3 mai 2002. Pour cela, il doit être transféré dans une unité
dédiée aux patients EVC-EPR dynamique, proposant un projet de vie de qualité
incluant ses proches.
Là où nous entendons dire: «acharnement thérapeutique», nous ne
voyons qu'abandon thérapeutique et maltraitance sur personne vulnérable ;
et nous demandons une reprise des soins physiques et relationnels.
Là où nous entendons dire: «volonté du patient», nous apprenons
que notre confrère qui a pris cette décision dramatique n'émet que des
hypothèses.
Là où nous entendons dire: «débranchement», nous ne voyons aucun
fil, aucune machine à débrancher en dehors de la nutrition entérale par
gastrostomie, laquelle constitue chez ces patients un soin de base. Mais nous
voyons des capacités de déglutition volontaire ; et nous demandons qu'une
rééducation appropriée soit entreprise.
Là où nous entendons dire: «arrêt des traitements», nous ne voyons
que provocation délibérée de la mort, une euthanasie qui ne dit pas son
nom ; et nous demandons un véritable projet de vie: reprise de la
kinésithérapie après traitement des rétractions tendineuses qui se sont nécessairement
installées pendant plus de quatre ans d'arrêt de ces soins, mise au fauteuil,
sortie à l'air libre.
Là où nous entendons: «procédure collégiale», nous ne voyons que
posture partisane, idéologique, déconnectée de la réalité d'une situation de
handicap sévère, stable, justifiant des soins et traitements adaptés en vue du
confort de la personne ; et nous demandons que M. Vincent Lambert soit
enfin transféré dans une unité EVC-EPR pratiquant des soins actifs, globaux,
dans le cadre d'un projet de vie et non de mort annoncée et programmée.
Là où nous entendons la voix de certains de nos confrères se
rallier à la thèse de l'acharnement thérapeutique, nous élevons la nôtre, forte
de nombreuses années d'expérience, pour que notre silence ne devienne complice de
la mort provoquée d'un de nos patients. Qui peut oser porter un jugement sur la
valeur d'une vie? N'est-ce pas au contraire le devoir et l'honneur d'une
société humaine que de prendre soin des plus vulnérables d'entre les siens?
Liste complète des signataires
Hélène Alessandri, psychologue ; Luce Bardagi, médecin ; Djamel
Ben Smail, PUPH ; Cécile Bernier, ergothérapeute ; Anne Boissel, maître de
conférences ; Marie-Hélène Boucand, médecin ; Patricia Bourgogne, médecin ;
Joseph Bou Lahdou, médecin ; Françoise Canny-Vernier, médecin ; Hélène
Carriere-Piquard, médecin ; Mathilde Chevignard, praticien ; Emmanuel
Chevrillon, médecin ; Pauline Coignard, médecin ; Florence Colle, médecin ;
Floriane Cornu, kinésithérapeute ; Hélène Curalluci, médecin ; François Danze,
neurologue ; Danielle Darriet, neurologue ; Xavier Debelleix, médecin ; Jacques
Delecluse, médecin ; Monique Delwaulle, encadrante ; Philippe Denormandie,
chirurgien ; Jean-Pascal Devailly, médecin ; Xavier Ducrocq, neurologue ; Marc
Dutkiewicz, neuro-psychanalyste ; Nadine Ellahi, secrétaire médicale ; Michel
Enjalbert, médecin ; Alain Faye, chirurgien ; Catherine Fischer, neurologue ;
Louis Fromange, médecin ; Jean-Yves Gabet, neurologue ; Laure Gatin, chirurgien
; Christine Greselin, aide-soignante ; Lysiane Hatchikian, psychologue ; Alain
Hirschauer, chef de service ; Marie-Hélène Jean, orthophoniste ; Bernard
Jeanblanc, médecin ; Catherine Kiefer, médecin ; Isabelle Laffont, PUPH ;
Françoise Lagabrielle, psychiatre ; Hervé Lautraite, médecin ; Sonia Lavanant,
médecin ; Bernard Lange, neurologue ; Jean-Luc Le Guiet, médecin ; Marc
Lestienne, médecin ; Emma Lozay, ergothérapeute ; Pascale Lublin-Morel, médecin
; Marie-Paule Mansour, infirmière ; Jérôme Martin-Moussier, médecin ; Daniel
Mellier, professeur émérite ; Samir Mesbahy, docteur ; Sabrina Monet,
aide-soignante ; Dominique Norblin, cadre de rééducation ; Dominique Papelard,
médecin ; Frédéric Pellas, médecin ; Philippe Petit, médecin ; David Plantier,
médecin ; Bruno Pollez, médecin ; Bénédicte Pontier, médecin ; Perrine Quentin,
médecin ; Chantal Regnier, gériatre ; Edwige Richer, neurologue ; Dalila Solal,
médecin ; Brigitte Soudrie, praticien hospitalier ; Hélène Staquet,
neurochirurgien ; François Tasseau, médecin ; Jean-Luc Truelle, professeur ;
Hélène Turpin, orthophoniste ; Hervé Vespignani, neurologue ; Yves-André
Vimont, médecin ; Jean-Bernard Witas, médecin.
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