Enfants maltraités : quand l’Eglise écoute et enquête …
Le rapport sur l'institut Marini contient l'observation suivante, page 74 :
" La perception de l'abus sexuel sur enfants par les experts et le grand public :
Dans les années 1940-1950, les premières recherches en psychologie, psychiatrie et sexologie minimisent l'impact de l'abus sexuel sur l'enfant. Inspirés par la tradition freudienne ... (...) L'impact du mouvement féministe s'avère bien plus décisif (...) c'est alors qu'émerge un problème inattendu : les violences sexuelles dont les femmes déclarent avoir été victimes durant leur enfance, la plupart du temps à l'intérieur de leur famille "
Enfants maltraités : quand l’Eglise écoute et enquête …
Fribourg, Suisse. De 1929 à 1950, l’Eglise a la
responsabilité d’un pensionnat pour garçons, l’institut Marini.
2014, un ancien pensionnaire rencontre l’évêque de Fribourg,
et lui raconte les violences qu’il a vécues à l’époque dans ce pensionnat …
Pour toute personne qui entend le témoignage d’une victime
de crime sexuel, il est difficile de réaliser que de telles violences sont vraiment
arrivées, dans la réalité … Que s’est-il effectivement passé ? Comment il
est possible que ces actes aient eu lieu, durant des années ?
Mgr Charles Morerod décide alors de confier une enquête à
trois chercheurs, indépendants de l’Eglise. Une année de recherches aboutit à
un rapport publié sur le site de l’évêché en janvier dernier http://www.diocese-lgf.ch/accueil/abus-sexuels.html
Mon point de vue de féministe française sur l’Eglise et les crimes
sexuels
De Fribourg j’avais entendu dire
en France qu’elle était « Fribourg la catholique, Fribourg la
noire », presqu’un second Vatican miniature. Autant dire qu’en apprenant la nouvelle d’un
scandale d’ « abus sexuels » sur des enfants dans un institut
dépendant de cet évêché, j’ai été interpellée.
L’institut Marini recueillait des
enfants en difficulté. Le rapport publié hier ( http://www.diocese-lgf.ch/medias/actualites/articles/article/enfants-places-a-linstitut-marini-de-montet-fr.html - http://www.diocese-lgf.ch/fileadmin/documents/Documents/Marini/Marini_resume_rapport_recherche.pdf
) révèle que 21 enfants au moins y ont été agressés
sexuellement de 1930 à 1955 par des religieux et des laïques.
Pour les féministes, l’existence
d’une chape de silence autour des crimes sexuels contre les enfants est un
phénomène connu, et qu’elles ont largement contribué à soulever, au prix de
combats contre toutes les autorités en place, notamment le « pouvoir
psy » du dogme psychanalytique. En France, c’est le livre d’Eva Thomas :
« Le viol du silence », puis le roman de Christiane Rochefort
« La porte du fond » qui firent connaitre cette « conspiration
des oreilles bouchées » dans les années 80.
Des groupes de paroles se
constituèrent. Les victimes, femmes et hommes, dirent que leurs
« incestueurs » étaient majoritairement des hommes
« libérés », des pères responsables se chargeant de
« l’éducation sexuelle » de leurs filles, friands de pornographie.
Elles dirent que les adultes ne les croyaient pas, que les prêtres les pensaient
perverses, et que les psychanalystes freudiens les accusaient de « fantasmer ».
Elles dirent que quasiment toutes les autorités, les familles, les écoles, les
médecins, quelques soient leur classe ou leur confession, avaient la même
réaction : nier, cacher le crime. Ou pire : psychiatriser les
victimes et persécuter les mères ou médecins qui tentaient de protéger les
enfants.
Ainsi, la longue dissimulation de
ces crimes n’a rien de surprenant et rien qui serait propre aux milieux
catholiques. Si je m’inquiète de l’évènement que constitue ce rapport, c’est en
raison de la signification qui va lui être donnée. Je crains un nouveau
contresens, au détriment des enfants.
La question des répercutions de la théologie
catholique sur les violences sexuelles est un sujet très vaste et
complexe : je souligne que je ne parle dans le présent article que d’un
seul de ses aspects et absolument pas du « catéchisme » dans son
ensemble.
Le commentaire le plus fréquent aujourd’hui
des crimes sexuels commis par des religieux contre des enfants consiste à
dire : l’enseignement de l’Eglise prône une limitation abusive de la
sexualité, elle produit la frustration qui est la cause des crimes
sexuels.
Ce raisonnement est faux.
L’inverse est vrai. L’enseignement de l’Eglise sur les limites de la sexualité
est une protection des plus faibles contre les crimes sexuels. Elle enseigne la
valeur première des personnes humaine. Les
crimes sexuels ne sont pas produits par la limitation de la sexualité, mais par
le culte de la sexualité, par l’idée du « droit à la sexualité ».
Un culte qui légitime la réduction de personnes à l’état d’objet : il y
aurait des « femmes faites pour cela ».
Pourquoi un tel battage
médiatique aujourd’hui au sujet de la pédophilie dans l’Eglise, alors que la
quasi-totalité de la pédophilie est incestueuse ? Parce que malgré ses lacunes et son restant
de vanité masculine sexiste, l’enseignement de l’Eglise sur la sexualité est,
et a essentiellement toujours été, un barrage « magistral » aux
crimes sexuels.
« Arrache toi l’œil s’il
scandalise un petit … ! ». Qui dans le monde antique avant l’Evèque
d’Epone s’écriait, parlant des prostituées, pour convaincre les hommes de ne
pas les « consommer » : « Oubliez-vous qu’elles ont une
âme ?! ». La « théologie du corps » de Jean-Paul II est une
arme de destruction massive de toute la rhétorique perverse utilisée pour
justifier les violences sexuelles et émotionnelles.
L’idolâtrie de la sexualité
permet de trouver toutes les excuses au violeur. Pire, elle permet à Freud de
décrire l’adolescente Dora comme étant elle, perverse et malade, parce qu’elle
refuse les avances d’un adulte. Les féministes américaines Andréa Dworkin et Robin Morgan expliquaient au sujet de la
« libération sexuelle » de 68 : «L’idée
à la mode était que la baise était une bonne chose, tellement bonne que plus il
y en avait, mieux c’était, que les gens devaient baiser qui ils voulaient. La
baise s’était la liberté. » « A Woodstock ou à Altamont, une femme
pouvait être qualifiée de “coincée” ou “vieux-jeu” si elle refusait de se
laisser violer ».
La primauté de la personne,
contre l’idolâtrie du plaisir et du pouvoir sexuel, est un enseignement qui
fâche, que dis-je, qui déclenche la fureur de tous ceux qui veulent exercer ce
pouvoir là sur autrui, qui veulent l’argent du « travail du sexe ».
Un tiers de la bande passante mondiale d’internet est utilisée pour la
pornographie. Un des hommes les plus riches de France a acquis sa fortune grâce
au téléphone rose.
L’Eglise avec son enseignement de
chasteté est l’ennemi à abattre. Ses prêtres, des hommes masculins, parce
qu’ils sont la preuve vivante que l’amour, la force, la virilité, ne passent
pas nécessairement par la case sexe, doivent être tués, médiatiquement - dans
un premier temps. On ne doit plus pouvoir penser « prêtre » sans
penser « prêtre pédophile ».
Le rapport de l’évêché de
Fribourg doit être lu intégralement : les chercheurs qui l’ont rédigé
présentent à la fois les documents, le cadre historique et idéologique, et les
questionnements soulevés par ces faits, auxquels tous, catholiques ou non,
devraient réfléchir. Il ne faut surtout
pas qu’il en résulte un contresens qui abattrait une pensée protégeant les
enfants ...
Elisseievna
Militante féministe
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