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COVID et CRIMES

Le devoir de liberté






Et moi, qu'est ce que je pouvais faire ? ..Il criait...
Il avait mal .. Toute la journée..
Alors j'ai trouvé la solution, je lui injectais de la vodka.
Svetlana Alexievitch La supplication
Tchernobyl Chronique d'un monde après l'apocalypse.



Après tout pourquoi être féministe ?
Pourquoi s'échiner à vivre libre et non soumis-e ?

N’est il pas plus simple que chacun reste aux places traditionnelles resultant du rapport de force physique ?

Les hommes ont gagné le combat de la valorisation, de la confusion entre universel et masculin, rationnel, intellectuel, génial. Pour la simple raison que « la raison du plus fort est toujours la meilleure ».
Françoise Héritier, pense que le constat de phénomènes passifs d'écoulement sanguin chez les femmes aurait mené l'humanité à une valence différentielle des sexes, et trouve la théorie de la force simpliste. Ce qui est simple peut aussi être vrai. Si les femmes pesaient 1,5 le poids des autres, même se répandant en sang et autres liquides, et en cloque 365 jours par an, elles domineraient la société : quand la moitié du village et de la maisonnée peut mettre l'autre KO, le vainqueur est vite trouvé.

Et alors ? Et si c'était bien comme ça après tout ?

L’un de nous décide pour les deux, bien sur on (la société, les autres hommes) admoneste le décideur pour qu’il soit équitable – pas "égal"; puisqu’il est plus "égal" que l’autre – , et tout irait bien.
Christine de Pisan[1] disait que la grande chance dans la vie d’une femme est de trouver un bon mari .... Tout irait bien, sauf pour les malchanceuses, il faudrait donc s'y résigner... Voilà une bien curieuse morale.

Bon et alors ? Si le système fonctionne majoritairement bien, si les injustices sont interdites, poursuivies, tout va bien, pourquoi changer en fonction de phénomènes minoritaires ?

La première réponse qui vient à l'esprit des féministes, c'est que les systèmes basés sur l'inégalité, aboutissent au déni des injustices, (non seulement de leur réalité mais même de leur nature d'injustice), à l'impunité des agresseurs, et qu'il certainement faux de dire que les injustices restent minoritaires.
Mais supposons, que l'on puisse parier qu'il serait plus aisé, plus simple dans l'ensemble, de vivre en acceptant une hiérarchie reflétant les rapports de force.

Oui mais : et ma responsabilité ?
Envers les victimes d’injustice ? Celles qui tombent sur des hommes mauvais ? Envers les victimes d’injustices éventuelles de mon mari, des hommes ?

Qui n'est pas libre, qui n'exerce pas de pouvoir, ne peut pas, peut en tout cas moins, savoir ce qui est juste.
Les révolutionnaires ( de 1789 en France comme de 1979 en Iran..) enjoignaient aux femmes de faire la morale à leurs maris tout en leur interdisant de voter et de sortir de la maison, comme si par un miracle elles pouvaient savoir sans apprendre. Ce n’était qu’une odieuse façon de les tenir pour responsables de tous les maux , d’exonérer leur époux et de les punir elles sans les circonstances atténuantes. Ils se cachaient le fait qu'en réduisant les droits des citoyen-nes, en les assignant au foyer, c'est la capacité de juger qu'ils détruisaient. Ils se cachaient surtout que ce faisant ils ne traitaient pas "l'être humain.. conformément à sa dignité", pour reprendre les mots de Kant ... en 1784.

Et ma responsabilité ...
On n’a pas le droit de rester esclave. On n’a pas le droit, en se rendant ignorant-e, en se plaçant dans des conditions qui rendent naïf-ve, et même niais-e, d’abdiquer notre fonction de moraliste, de donneur de leçon, pouvant se tromper mais au moins exerçant sa réflexion et son analyse, et la disant à la société.

Nous , êtres raisonnables et capables de juger, capables de distinguer le bon et le mauvais, le juste et l’injuste, ce qui fait mal a l’autre, au moins par référence à ce qui nous ferait mal a nous, nous n’avons pas le droit d’abdiquer ces fonctions, nous n'avons pas le droit d'abdiquer notre pouvoir d'empêcher l'injustice.

Nous n’avons pas le droit de nous défaire des moyens de mettre en œuvre les décisions qu'impliquent ces jugements, de nous défaire des moyens d’aider, de secourir, de sauver, d’empêcher les violences de se commettre. Nous sommes complices de ce que nous n’empêchons, et que nous pourrions empêcher.

Même si la disproportion des forces physiques, aggravée par la biologie (ce sont les femmes qui sont enceintes, allaitantes...), fait que cela n’est pas facile.
Même si cela n’est pas facile, même pour les hommes de bonne volonté, même dans les couples partageant le même idéal d’égalité, même dans les sociétés ayant des législations égalitaires et anti discriminatoires. Parce que même avec de la bonne volonté, le pouvoir va au pouvoir, les meilleurs postes aux plus forts, l'autorité aux plus grands, même avec la meilleure volonté, il est plus logique que qui gagne le moins dans le couple s'arrête plus probablement de travailler et tombe dans la dépendance de l'autre etc, etc...
Malgré tout, il faut chercher, inventer des solutions, il faut le vouloir, il faut choisir la liberté.
La même liberté pour les hommes et pour les femmes, refuser les dépendances qui débouchent sur la soumission. La même autonomie, pour garder le droit de dire, de s'opposer aux injustices, aux violences.

Et même si cela n'était pas possible.
" Supposons que quelqu’un réussisse à prouver qu’une société égalitaire est impossible du fait - notamment - que des différences entre les hommes, cela suffirait-il pour que les hommes renoncent à l’idéal d’égalité, cessent de lutter et même de mourir pour une société qu’ils aspirent à réaliser ?" Yechayahou Leibovitz[2]

LIBERTE

De quelle liberté s'agit il ?

Il y a une conception de la liberté comme simple liberté de choix pour soi. C'est une liberté isolée de l'ensemble des autres humains, des autres libertés, déconnectée de la responsabilité de l’exercice de cette liberté envers les autres, une liberté ponctuelle, sans vision du temps, sans préservation de la liberté à venir.
A cette conception de la liberté comme une sorte de libre marché de droits-à , correspond l'idée de la liberté de s’enfermer, y compris définitivement dans une situation d’abolition de la liberté. Ce n'est pas la notre.

La liberté, c'est la liberté de pouvoir toujours tout remettre en cause, de s'interroger sur tout, sur la conséquences de ses actes, sur tout , en tout, toujours, aujourd'hui, et dans les temps à venir, soi même, et dans l'ensemble de l'humanité, présente et future.
La liberté est la meilleure notion de l'infini. C'est bien par là que les férus de mystiques peuvent dire que le visage d'un être humain, réfléchissant sa liberté, est l'image de l'infini d'une déité.

Pourquoi ?
La liberté parce qu'il faut répondre, à l'infini des questionnements, présents et à venir, et ne rien fermer, qui puisse en se fermant, empêcher de chercher les réponses, de chercher comment répondre de ses actes devant tous ces évènements, de savoir ce qui est juste, responsable, face à cela.

On a le devoir d'être libre, pas seulement pour sa liberté personnelle, mais pour défendre la liberté des autres.
On a le devoir d'être libre pour défendre les autres.


LIBERTE ET DIGNITE

Il faudrait se respecter soi même, il faudrait respecter sa propre dignité ... Phrases creuses.
Phrases qui sonnent le plus souvent comme l'annonce d'une pluie d'interdits pour les femmes. Ne baise pas cela te déshonorerait .. On honore les ordres mendiants mais pas les prostituées : et pourquoi donc ?

Et si ma liberté est d'expérimenter l'indignité, l'humilité, l'obéissance, et même l'humiliation ? Et si ma liberté est de connaître le monde vu de cet en-dessous de la dignité, de vivre sans vêtements repassés, sans avaler mon parapluie et même en schnorrer (mendiant) ? Et si j'ai d'autres urgences qu'une façade de ce qui est d'habitude respecté ? Urgence d'apprendre les autres, moi-même, l'inconnu, par cette voie étrange ?

Si ma liberté est là, je dois être libre. Connais toi toi-même. La dignité est dans la liberté, pas dans le simulacre de dignité.

Ce n'est pas sa propre dignité que l'on doit respecter, c'est celle des autres, la liberté des autres assurément, et sa propre liberté à soi, qu'il ne faut jamais aliéner définitivement ou absolument au risque de ne pas être présent pour les autres.


ETUDIER

Nous ne pouvons pas connaître ce qui fait bien et mal, sans étudier, il faut savoir, étudier, en particulier les lois qui font vivre ensemble. Au lieu de passer son temps au bistrot ou autres distractions...
Etudier pour anticiper, ou ne pas dire que l'on ne savait pas, pour ne pas se laisser manipuler par les désinformations diverses, pour inventer des idées ... en toute liberté, pour le rester, libre (et vivant-e).


FEMINISTES

Il est de mauvaise foi de parler du pouvoir d' "influence" des femmes, et nous n’avons pas le droit limiter notre action à cela, de compter sur autrui.
Une situation de dépendance, sinon d’esclave crée en elle-même la perversité, la flatterie, aucune influence ne peut compenser les abus sur les plus faibles dus au simple ego des plus puissants, enflé par la flatterie.
Impossible de se satisfaire de ces mauvais prétextes pour éluder notre responsabilité, on doit se battre pour son autonomie, on doit être féministe.

Comment une femme peut elle préserver ses enfants de la violence quand elle ne peut y échapper elle-même ? Comment peut on sensément proposer des politiques familiales créant des situations de dépendance perpétuelle quand on sait que la majorité des violences sont intrafamiliales et que la quasi totalité des actes "pédophiles" sont des incestes ? En se le cachant, en ne parlant plus que de pédophilie et en ré oubliant l’inceste ?
L'égalité "professionnelle" des femmes n'est pas une question abstraite de dignité, c'est une question bien concrète de pouvoir donc de violence. Les femmes ne fuient pas "leurs" responsabilité de mères en préservant leur autonomie financière, en défendant la justice, elles les accomplissent au contraire, pour elles-mêmes et pour les autres mères et femmes, pour leurs enfants.

Etre autonomes, financièrement donc intellectuellement, auto-nomos, voila ce qui est central dans le féminisme.
Le féminisme n'a rien de "victimaire" en soi, il ne réclame aucune exemption ou excuse en raison de faiblesse congénitale, il revendique plus de pouvoir, avec ses contreparties, il ne parle de manques d'autonomie que pour la revendiquer, avec ses responsabilités, au nom de la responsabilité.

Voilà pourquoi il faut être féministe.
Parce que nous avons le devoir de ne pas rester esclaves ou assujetties, peu ou prou.


LIBERTE CONTRE IDENTITE

L'identité n'est jamais une valeur supérieure à la liberté de disposer de soi et de déterminer son destin, individuellement ou en groupe.
Certes, la liberté suppose de ne pas être privé-e de l'identification, par le nom, par la nationalité, qui permet de se voir reconnus des droits, de ne pas être privé-e de ce dans quoi l'on se reconnaît, bribes d'une identité potentielle.
La liberté est de ne pas être enfermé dans une identité, la liberté est de s'inventer [3].

Ce qui rend fou, ce n'est pas de ne pas avoir d'identité, c'est d'être confondu avec un autre, dans une autre identité que soi, être parlé par un autre, ou par autre chose. Ce qui rend fou de haine, fou de désir de pureté (raciale...), est de souffrir de ne pas pouvoir ne pas être confondu avec l'autre.
Ce qui rend malade est l'enfermement, dans une identité ou autre, qu'elle soit fausse ou partiellement vraie. Partiellement vraie, elle serait néanmoins fausse, car elle arrêterait la vie.
Ce qui rend irresponsable, c'est de limiter sa propre liberté en fonction d'une "identité" qui interdirait la critique, l'interrogation, la responsabilité sur la "culture".

Momifiés de leur vivant, muséifiés dans des zoos humains, dont ils sont les propres gardiens, incarnations à perpétuité du passé des morts, de leurs traditions, de leurs mots ... Evolution trahison, critique hérétique : reproduction pour l'éternité des imbécilités et absurdités et crimes antiques. Tel est l'avenir radieux que les identitaristes rêvent pour les "peuples".

N'être que soi même, ne pas assimiler les modèles, les leçons de l'autre, est une maladie, et une forme intolérable d'irresponsabilité. L'identité ne peut pas être acceptée comme excuse pour les crimes que l'on commet ou les dommages que l'on cause. Aussi douloureux puisse-t-il être, de rompre avec le passé.

On peut se consoler des erreurs de nos ancêtres. Il n'y a pas de raison de s'attacher maladivement à leurs erreurs, en s'enfermant dedans pour ne pas s'avouer la blessure de leurs torts. Rester dans l'erreur par peur de s'avouer ses défauts, est a la fois absurde et lâche, pathologique.
Dans un de ses bons jours, Freud a bien dit que nous avions tous parmi nos ancêtres les pires criminels...
Dans un de ces bons jours, Claude Levi-Strauss a aussi expliqué à l'échelle de l'existence de l'humanité, les différences entre les progrès faits par les uns et les autres des civilisations ne sont pas significatifs, et que par contre la seule certitude, est que le progrès n'existe que pour les socités ouvertes aux autres. Traduisons, celles qui sont capables de faire le tri du bon et du mauvais en elles pour apprendre des autres.

URGENCE

Pourquoi devons nous exercer notre entendement[4] ? Pourquoi devons nous être libres ? Par ce que nous sommes responsables. Parce que nous aveugler, nous priver des moyens d’agir, c’est refuser d’agir quand il le faut, renoncer à être justes, faute de se demander ce qui est juste, faute de comprendre comment éviter les blessures. C’est renoncer à faire respecter la justice, donc être complice par omission des injustices...et des erreurs fatales.

" A celles qui ne se battent pas pour faire cesser l'oppression de ce système patriarcal et religieux, je dis: honte à vous ! Honte à vous de ne pas protester, honte à vous de conforter un tel système! " Taslima Nasreen.

Il faut rester libre, pour essayer de ne pas avoir rien de plus que la vodka pour soigner des hommes qui vomissent leurs poumons ... Notre responsabilité face aux épreuves qui nous attendent (fin du pétrole...) est énorme.
On peut penser que Maxime le Forestier a oublié qu'il faut aussi travailler comme des robots pour maintenir le monde debout, mais il est peut être un peu inspiré , pour ne pas dire prophétique, en écrivant " San Francisco":

Peuplée de cheveux longs

De grands lits et de musique

Peuplée de lumière, et peuplée de fous

Elle sera dernière à rester debout.

ELISSEIEVNA