Coordination lesbienne en France CLF : Pourquoi nous sommes contre la Gestation pour Autrui ! (GPA)
Pourquoi nous sommes contre la Gestation pour Autrui ! (GPA)
(recours aux mères porteuses)
dimanche 30 octobre 2011
Les campagnes en faveur
de la légalisation de la Gestation pour Autrui, sont de plus en plus
insistantes. En juillet dernier, une agence américaine est venue à Paris
proposer des bébés clef en main (choix des donneuses d’ovocytes sur catalogue,
sélection des mères porteuses sur leur performances...). Exprimer un point de
vue fort, résolument contre la GPA nous a semblé nécessaire dans ce contexte.
Le Planning Familial, la Cadac, la Coordination Lesbienne en France partagent
une position commune sur le sujet et communiquent ensemble pour mieux clarifier
les enjeux de la GPA et argumenter contre sa légalisation. Il en est résulté un
texte intitulé « Pourquoi nous sommes contre la Gestation pour
Autrui ! » que nous vous communiquons ci-dessous et en pièce jointe.
Diffuser cette position dans vos réseaux serait une manière concrète de
vous associer à cette campagne contre la légalisation de la GPA.
Aujourd’hui qu’en est-il de la GPA ?
Notre législation qui s’oppose à la commercialisation du corps humain et
qui stipule, sans discussion possible, que "la mère est celle qui
accouche" fait barrage au recours à la gestation pour autrui (GPA). Les
tenants de la GPA s’emploient donc à faire sauter ces 2 verrous en relançant le
débat en sa faveur à chaque révision de la loi de bioéthique. Des associations
LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuelles et trans) s’y associent, défendant la GPA
comme l’une des réponses à leur demande homoparentale.
Le public, lui, est partagé entre un sentiment de révolte face à ce qui lui
semble choquant au plan humain, une tentation compassionnelle vis-à-vis de la
dramatisation de l’infertilité et de l’incapacité biologique des hommes à
porter un enfant et enfin une sorte d’oblitération critique devant ce qu’on
présente, à tort, comme une avancée des méthodes de procréation médicalement
assistée (PMA).
La GPA est revendiquée au plan thérapeutique comme palliatif de
l’infertilité (sont évoqués les cas de femmes nées sans utérus fonctionnel)
mais aussi, de plus en plus, comme demande sociale. Ainsi, le bébé "clef
en main" répondrait à une demande homoparentale "gay". II
constituerait une alternative aux procédures d’adoption parfois longues et
aléatoires. Enfin, il pourrait satisfaire l’exigence de confort de certaines
femmes en épargnant leur carrière et leur physique.
Une régression sociale constatée
Le revers de cette demande est une régression sociale féroce, observée
partout où la libéralisation de la GPA s’est instaurée. Une véritable industrie
de "location de ventres" et de commerce d’ovocytes se développe ainsi
en Inde, en Ukraine et aux USA où des agences proposent une prestation
aboutissant à la livraison d’un produit , "un bébé", avec choix sur
catalogue des donneuses d’ovocyte en fonction de leur physique, sélection des
gestatrices sur leurs performances et procédure juridique organisant la
filiation.
Tout y repose sur un dispositif contractuel d’essence libérale qui spécifie
les obligations et droits des deux parties : les critères de sélection de
la gestatrice, ses obligations tout au long de sa grossesse, les dédommagements
financiers, les conséquences de retrait du contrat avant terme… Il est
symptomatique d’apprendre que les gestatrices sont, en Inde et en Ukraine, des
jeunes femmes pauvres tandis qu’aux USA elles se recrutent parmi les mères au
foyer, c’est à dire parmi les femmes sans revenus propres !
Face à ces pratiques perçues comme "choquantes" s’est développée
une demande d’encadrement, dite éthique, de la GPA où les conditions d’accès
pour les demandeurs/euses et de participation pour les gestatrices seraient
fixées, non plus par contrat, mais par la loi. Mais, pour nous, cette démarche
"réglementariste" ne saurait faire disparaître l’iniquité
fondamentale de la pratique. Il ne faut pas oublier non plus que toute démarche
législative d’ouverture de la GPA rendrait de facto cette pratique acceptable
socialement.
Une vision de la société que nous ne pouvons partager
Derrière les arguments en faveur de la GPA se profile une vision de la
société que, nous féministes et lesbiennes féministes, ne pouvons
partager : l’épanouissement de l’individuE passerait par la mise en œuvre
irrépressible d’un projet parental organisé autour de la sublimation du lien
génétique. La société devrait s’employer par tout moyen, y compris en
légiférant, à satisfaire cette demande, même au prix de l’instrumentalisation
d’une partie de nos sociétés, les femmes et de la marchandisation de leur
utérus et ovocytes sans égard pour les principes d’égalité et d’équité. Pour y
parvenir, on s’appuie sur les ressorts classiques de l’aliénation et de la
domination : la glorification de vertus présentées comme
"spécifiquement féminines" telles la générosité, l’altruisme, le don
de soi, le bonheur et le rayonnement de l’état de grossesse, figeant ainsi les
femmes dans ce rôle traditionnel auquel on voudrait les soumettre. Qu’on arrête
de jouer les vieux couplets de l’ère patriarcale. !
L’histoire, elle aussi, est convoquée pour tenter de prouver l’enracinement
de cette pratique dans notre culture. A l’appui, des cas de dons d’enfant mais
qui relèvent à l’analyse, soit de situations de subordination (Sarah et sa
servante Agar dans la bible), soit de partage d’autorité parentale (confier un
enfant à un couple infertile ou soulager une famille trop nombreuse en prenant
en charge l’un des enfants). Qui plus est, ces exemples viennent d’époques où
la justification sociale de l’existence des femmes passait par leur capacité de
procréation, l’une des impositions du système patriarcal.
Un détournement des luttes féministes
Argument de choc, les gestatrices et fournisseuses d’ovocytes sont libres,
avance-t-on, de cette liberté revendiquée par les femmes dans les années 1970.
Voici un exemple typique de récupération et de détournement des luttes
unitaires féministes. En affirmant "Notre corps nous appartient" il
s’agissait alors de lever la contrainte reproductive que la société imposait
aux femmes en permettant à toutes de pouvoir accéder à la contraception, à
l’avortement gratuit et ainsi maîtriser la maternité. Échapper à cette astreinte
devenait un "levier" pour libérer le corps des femmes, support
d’oppression sociale et patriarcale. Avec la GPA, pas de volonté de libération
collective, mais la mise en avant d’une vision strictement
individuelle "chaque mère porteuse est libre de disposer de son
corps", argument utilisé pour faire barrage à une réflexion sociale.
D’autres voies sont possibles
Loin de nous l’idée de juger, a fortiori de condamner, les individuEs qui
en tant que gestatrices ou en tant que demandeurs/euses entrent, ou sont
entréEs, dans un processus de GPA. Nous ne nous positionnons pas en moralistes,
nous ne réfléchissons pas au niveau individuel, mais globalement au niveau de
la société toute entière. Comme d’autres, ces IndividuEs subissent la pression
de la société et le poids de la norme sociale qui imposent la parentalité dans
le cadre du couple, de la sacrosainte famille, au besoin modernisée en y
incluant le couple homosexuel. Plus que jamais cette norme est à déconstruire.
Ce qui se construit autour de la GPA est significatif de la progression
de l’idéologie néolibérale qui, comme le montre Jules Falquet dans son livre
« De gré ou de force, les femmes dans la mondialisation », fait de
plus en plus entrer les femmes dans le rôle de femmes de service. Service qui
se décline maintenant en service à la personne, service sexuel dans la
prostitution et ici service procréatif avec la GPA.
De cela nous ne serons jamais ni les alliées, ni les complices
Pourtant, il est envisageable, en ouvrant le champ du possible et avec une
vision progressiste de la société, d’envisager d’autres dispositifs ou de
promouvoir d’autres pistes plus centrées sur la question du bonheur de
l’enfant.
L’adoption plénière accessible à
toutes et à tous, aux homosexuels, aux lesbiennes, aux hétérosexuels …, à toute
personne qui remplit les conditions énoncées par la loi, sans exigence de
fonctionnement en couple ;
La généralisation de l’accès à la
PMA pour les femmes ;
La possibilité d’une éducation
collective sans appropriation de l’enfant par le biais de l’adoption simple, de
l’accès à la coparentalité ou à la beau-parentalité.
Octobre 2011
Coordination des Associations pour le droit à l‘Avortement et la
Contraception (CADAC) - colcadac@club-internet.fr
Coordination Lesbienne en France (CLF) - clf.info@yahoo.fr
Planning Familial (MFPF) - www.planning-familial.org
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