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Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh: Frappez les femmes: Interprétation du verset
coranique 92/4:34 à travers les siècles, 2016, 248 pages
Cet ouvrage fait partie d’une série de livres qui s’attardent sur
l’interprétation de versets problématiques du Coran à travers les siècles. Ces
livres sont disponibles gratuitement en version pdf et peuvent être commandés
en version papier auprès d’Amazon, comme mes autres ouvrages[1].
Le présent ouvrage est consacré au verset H-92/4:34 qui autorise les hommes,
voire leur donne l’ordre de frapper leurs femmes. Ce verset dit:
Les hommes s’élèvent au-dessus des femmes par ce que Dieu a favorisé
certains par rapport à d’autres, et ce qu’ils ont dépensé de leurs fortunes.
Les femmes vertueuses sont dévouées, et gardent le secret que Dieu a gardé
[pour elles]. Celles dont vous craignez la dissension, exhortez-les,
abandonnez-les dans les couches, et frappez-les (udribuhun). Si elles
vous obéissent, ne recherchez plus de voie contre elles. Dieu était élevé,
grand.
Sur le plan national et international, on s’achemine vers la
criminalisation de la violence conjugale et la désignation comme viols des
rapports sexuels non consentis. D’autre part, la liberté religieuse est
reconnue tant par les constitutions nationales que par les documents
internationaux. Or le verset en question donne au mari le droit de frapper sa
femme (ses femmes) en cas de dissension, terme qui couvre, entre autres, selon
toutes les exégèses, le refus de la femme d’avoir des rapports sexuels avec son
mari et d’accomplir les devoirs religieux prévus dans l’islam, y compris le
port du voile. Ce qui explique la réticence des pays arabes et musulmans à
adopter des lois interdisant la violence conjugale et considérant les rapports
sexuels non consentis comme des viols. Nous laissons ici de côté d’autres
formes de violence contre les femmes, comme les mutilations sexuelles, les
crimes d’honneur et la violence sexuelle dans les situations de conflit,
malheureusement trop fréquentes, et nous nous concentrons sur le sens du verset
susmentionné qui institue expressément la violence contre la femme.
Aucune exégèse de ce verset n’a jamais mis en question le sens du verbe
«frappez-les» (udribuhun). Mais face aux critiques des occidentaux qui y
voient une marque de misogynie, des traducteurs musulmans tentent d’induire les
lecteurs en erreur en édulcorant ces termes ou en leur donnant un sens erroné.
Des coranistes se sont joints à cet effort. Mais, malheureusement pour eux,
aucun exégète et aucune institution religieuse du monde arabe et musulman n’ont
appuyé leur version des choses. Bien au contraire, ils essaient de justifier la
mesure prévue par le Coran contre les femmes désobéissantes et vont jusqu’à
s’opposer à l’adoption de lois qui condamnent la violence contre les femmes.
Ils estiment que Dieu décide de ce qui est bien et de ce qui est mauvais, de ce
qui est licite et de ce qui est illicite[2], étant l’omniscient, le plus sage. On ne
peut, selon eux, se référer à des normes adoptées par les humains susceptibles
d’erreur.
La falsification du courant apologiste est fondée sur la croyance selon
laquelle le Coran est parole de Dieu, donc parfait. Or on ne peut
raisonnablement admettre que Dieu puisse permettre, voire ordonner à l’homme de
frapper la femme. Averroès (décédé en 1198) disait que la révélation ne peut
contrarier la raison puisque les deux sont de Dieu. Et si contradiction il y a,
il faut recourir à l’interprétation pour concilier le texte révélé avec la
raison. Nous en citons ce passage:
[…] nous avons la conviction, nous, musulmans, que notre divine Loi
religieuse est la vérité […], que la spéculation fondée sur la démonstration ne
conduit point à contredire les [enseignements] donnés par la Loi divine. Car la
vérité ne saurait être contraire à la vérité: elle s’accorde avec elle et
témoigne en sa faveur […]. Nous affirmons d’une manière décisive que toujours,
quand la démonstration conduit à une [conclusion] en désaccord avec le sens
extérieur de la Loi divine, ce sens extérieur admet l’interprétation suivant le
canon de l’interprétation arabe[3].
Averroès et les apologistes modernes que nous étudierons ici partent d’une
prémisse erronée, ce qui les oblige à jongler avec la langue afin de lui faire
dire ce qu’ils veulent qu’elle dise. Rien ni personne n’a jamais pu prouver que
le Coran, ou tout autre livre sacré, provient de Dieu. Tout texte est humain et
produit de son époque. Il en va de même du verset H-92/4:34. Ils se trompent de
la même manière que ceux qui tentent de justifier le droit de frapper la femme,
estimant que si Dieu a donné un tel ordre, cela ne peut être que juste. Les
premiers ridiculisent la raison, et les autres ridiculisent Dieu. Et comme le
dit Pascal, «l’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut
faire l’ange fait la bête».
La violence conjugale est un phénomène répandu dans toutes les sociétés,
anciennes et modernes, et il serait trop long d’en brosser un tableau général.
Notre but n’est pas d’accuser les musulmans, et moins encore de dédouaner les
autres, mais de voir comment le verset H-92/4:34, qui prévoit de frapper les
femmes, a été compris par les différents exégètes à travers les siècles,
comment des musulmans modernes ont essayé de le justifier ou de l’édulcorer,
voire d’en falsifier le sens pour faire face aux critiques de l’islam, et
pourquoi certains s’opposent aux lois criminalisant la violence contre les
femmes. Nous aurions aimé faire une comparaison entre les normes juives,
chrétiennes et islamiques, surtout pour examiner les sources d’inspiration des
normes islamiques, mais cela dépasserait le cadre de cette étude.
Cet ouvrage est divisé en deux parties:
- La
première partie présente cinq traductions françaises de ce verset, le
contexte de ce verset (ou les causes de la révélation), le sens donné par
les exégètes, les tentatives modernes de disculper le Coran, le rejet par
les milieux religieux des lois criminalisant la violence conjugale, et les
normes suisses et internationales violées par ce verset.
- La
deuxième partie reproduit les textes des exégètes depuis les premiers
siècles de l’islam jusqu’à ce jour, avec une traduction sommaire, voire
littérale de ces textes.
Cet ouvrage démontre la
fallacité des arguments de ceux qui prétendent que le port de la burqa ou du
burkini est un choix personnel de la femme. En effet, en droit musulman le mari
(et en son absence le tuteur) a le droit, voire le devoir, de frapper sa femme
ou ses filles si elles refusent d’accomplir leurs obligations religieuses.
Celles-ci comprennent l’obligation de faire les prières quotidiennes, de jeûner
pendant le mois de Ramadan, ou de porter les vêtements qu’il considère comme
conforme à l’islam.
[2]
Voir ces versets sur la question: M-51/10:59; M-70/16:116; H-112/5:87-88;
H-113/9:37.
Dr Sami Aldeeb, Professeur des universités
Directeur du Centre de droit arabe et musulman www.sami-aldeeb.com
Auteur d’une édition arabe et d’une traduction française du Coran par ordre
chronologique http://goo.gl/v1Qpnb
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